Décoloniser les pratiques d’embauche

Flexibilité et quelques compétences culturelles de base, deux éléments clés

De nombreux Canadien.ne.s ont de la difficulté à trouver un emploi, mais dans le cas des personnes issues de milieux historiquement marginalisés, l’entrée sur le marché du travail peut sembler décourageante, voire impossible.

Pour les Autochtones, ces difficultés s’accompagnent de facteurs historiques et culturels particuliers. La dépossession de nos terres, le système de réserves et le paternalisme persistant découlant de la Loi sur les Indiens ne sont que quelques-uns des obstacles systémiques que nous rencontrons encore aujourd’hui. Plus de 300 000 Autochtones vivent dans des réserves et ils sont nombreux à faire face à des obstacles importants, tels que l’accès limité aux transports et l’absence d’accès à Internet haute vitesse.

Par ailleurs, des Autochtones vivant en milieu urbain ont le sentiment de ne pas être « assez autochtones ». Ce manque de confiance peut avoir de lourdes conséquences. Certain.e.s Autochtones peuvent hésiter à postuler à des postes spécifiquement destinés aux candidat.e.s autochtones, ce qui laisse la voie libre à des personnes non autochtones ou à des personnes qui se réclament superficiellement de l’autochtonie. 

C’est pourquoi le premier obstacle à l’embauche des Autochtones qu’il faut éliminer est leur réticence à postuler – il faut les encourager à poser leur candidature.

Que peuvent faire les organisations pour décoloniser leurs pratiques d’embauche? Faire preuve de créativité. Les suggestions qui suivent sont concrètes, mais l’ouverture d’esprit est le meilleur moyen de décoloniser son organisation ou de se décoloniser soi-même.

Vérifier l’état de préparation de l’organisation

Assurez-vous que l’organisation est un lieu sûr pour les Autochtones. Renforcez les compétences culturelles au sein de l’organisation avant d’amorcer le processus d’embauche, en veillant à ce que l’équipe responsable de l’embauche comprenne les approches fondées sur les traumatismes. Si vous n’obtenez pas le soutien nécessaire en interne, ce n’est peut-être pas encore le moment d’intégrer des Autochtones au sein de l’organisation.

Recourir à des stratégies de recrutement non traditionnelles

Songez à annoncer les postes à pourvoir autrement qu’en utilisant les voies traditionnelles, par exemple sur Facebook ou au moyen d’affiches dans les centres communautaires ou les centres d’amitié. Vous pourriez ainsi rejoindre des candidat.e.s qui ne sont pas forcément actifs sur les plateformes d’emploi traditionnelles.

Simplifier les offres d’emploi

N’utilisez pas de jargon ni de langage complexe dans les offres d’emploi. Profitez de l’occasion pour revoir la description de poste : Reflète-t-elle fidèlement les responsabilités du poste? Le langage utilisé comporte-t-il des visions coloniales qui pourraient rebuter les personnes qui n’appartiennent pas à cet univers? Procédez à un examen culturel et de la sensibilité pour garantir l’inclusion en faisant relire l’offre d’emploi par une personne en interne ou de l’extérieur qui est experte en sensibilité. Il s’agit d’une personne qui possède une expertise en matière de capacités et d’identités.

Réévaluer les exigences en matière de diplôme

Demandez-vous si un diplôme officiel est nécessaire ou si une expérience équivalente fait l’affaire.

Exemple : au lieu de « Baccalauréat requis », indiquez plutôt « Baccalauréat ou expérience équivalente »

Préciser les compétences requises plutôt que les compétences souhaitées

Faites clairement la distinction entre les compétences essentielles et les compétences souhaitées.

Exemple : Maîtrise des logiciels de gestion de projet (requise); connaissance des outils de conception graphique (souhaitée)

Être explicite en ce qui concerne la flexibilité

Si l’organisation est disposée à faire preuve de flexibilité en ce qui concerne les exigences du poste, indiquez-le clairement dans l’offre d’emploi. Indiquez aux candidat.e.s potentiels que leur candidature sera prise en considération même s’ils ne possèdent pas toutes les compétences souhaitées. Chez IndigiNews, le fait d’avoir clairement indiqué que des études ou de l’expérience en journalisme n’étaient pas requises a suscité 54 candidatures pour un poste pour lequel il n’y en aurait autrement eu aucune.

Indiquer le salaire

La mention du salaire réduit les disparités salariales et les inégalités en matière de négociations, qui peuvent injustement avantager les personnes qui ont un style de négociation affirmé, souvent lié à des normes culturelles particulières.

Simplifier le processus de demande d’emploi

Songez à répartir le processus en plusieurs étapes faciles à gérer. Plutôt que la traditionnelle lettre d’accompagnement, utilisez un formulaire Google comportant des questions ciblées pour aider les candidat.e.s à faire part de leurs compétences plus facilement.

Si vous demandez un CV, fournissez un modèle de base et indiquez aux candidat.e.s qu’ils.elles peuvent l’utiliser ou soumettre leur propre version. Cette approche réduit le stress chez les personnes qui ne connaissent pas les formats de CV formels et permet à chacun.e de présenter clairement et efficacement ses aptitudes et compétences.

Préparer les candidat.e.s aux entrevues d’embauche

Envoyez les questions d’entrevue aux candidat.e.s préalablement à l’entrevue. Informez-les de la composition du comité de sélection et de la durée prévue de l’entretien. Rassurez les candidat.e.s sur le fait que l’entrevue se déroulera dans un esprit de soutien et de collaboration, et non de confrontation. Assurez-vous que l’équipe responsable des entrevues comprend et peut appliquer cette approche.

Expliquer clairement le processus de vérification de l’identité autochtone

Si vous souhaitez attirer des candidat.e.s autochtones, indiquez clairement comment, le cas échéant, vous vérifierez l’identité autochtone. Vous pouvez aussi indiquer que l’organisation n’est pas en mesure de définir l’identité autochtone et qu’elle permettra aux candidat.e.s de s’auto-identifier en déclarant ou en expliquant leurs liens avec la communauté autochtone.

Songez à ajouter une question ouverte comme : « Quel est votre lien avec l’autochtonie? » afin de permettre aux candidat.e.s d’exprimer leur relation à leur identité dans leurs propres termes. Vous pouvez vous référer aux politiques adoptées par des universités ou des organisations artistiques, comme le Collectif des commissaires autochtones, pour obtenir des conseils sur les pratiques exemplaires.

La décolonisation des pratiques d’embauche consiste à éliminer les obstacles systémiques qui empêchent des Autochtones qui possèdent les compétences requises, ou des Autochtones doués qui pourraient acquérir ces compétences sur le tas, d’avoir accès aux possibilités d’emploi qui s’offrent à eux. La flexibilité, la compétence culturelle et l’engagement en faveur de pratiques inclusives peuvent favoriser l’épanouissement des talents autochtones et ainsi enrichir les organisations de perspectives et d’expériences diverses.

Article écrit par Eden Fineday, éditrice d’Indiginews

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