Développer une philosophie équitable en matière de RH

Introduction à l’ARAO et la JEDI en RH dans le secteur à but non lucratif

L’équité en matière de ressources humaines (RH) devrait être une priorité pour les organismes à but non lucratif (OBNL) qui souhaitent que leurs pratiques en interne traduisent le bien commun qu’elles cherchent à atteindre à travers leur mission et leurs programmes. L’équité va au-delà de la justice du fait qu’elle vise à créer des conditions égales qui permettent aux gens de participer pleinement à la société. L’équité reconnaît que certains groupes font face, bien malgré eux, à plus d’obstacles que d’autres, de sorte que le fait d’offrir simplement un traitement égal ne suffit pas à combler l’écart.

Différence entre égalité et équité (Source : Ciell)

Il n’existe pas de norme universelle en ce qui concerne l’équité, mais de plus en plus d’OBNL adoptent un cadre d’équité pour guider leur mission, leurs programmes et leurs politiques internes. Les deux cadres les plus courants sont le cadre JEDI (justice, équité, diversité, inclusion) et le cadre ARAO (antiracisme et antioppression). Ces deux cadres sont semblables à bien des égards en pratique, mais le langage utilisé peut s’appliquer différemment selon les groupes.

Les cadres JEDI et ARAO peuvent constituer une base pour l’adoption de pratiques équitables en matière de RH. Utilisez le cadre sur lequel s’appuie déjà votre organisation pour ses politiques et ses procédures de RH. Si votre organisation n’a pas encore opté pour un cadre en particulier, vous pouvez en choisir un dans l’intervalle pour vous guider dans vos efforts visant à créer ou à redéfinir les politiques et les pratiques RH aux fins d’équité.

Pourquoi viser l’équité en RH?

Les milieux de travail équitables tendent à accroître le bonheur et la productivité du personnel. Des politiques et des pratiques visant le personnel qui sont plus équitables ainsi que l’offre de soutien au personnel aident également à gérer certains des défis liés aux RH propres au secteur à but non lucratif.

  • Réduction des taux d’épuisement professionnel. Les OBNL sont aux prises avec des taux élevés d’épuisement professionnel, considérant qu’un tiers des Canadien.ne.s en sont victimes. En 2021, certains secteurs à but non lucratif affichaient des taux d’épuisement allant jusqu’à 53 %.

  • Réduction du taux de roulement de personnel. Le maintien en poste des membres du personnel permet de limiter les dépenses, sachant que les coûts liés à la formation des personnes qui les remplacent s’élèvent à environ 21 % du salaire. Et ce montant ne tient pas compte des effets indirects tels que le retard dans la réalisation des projets ou l’augmentation temporaire de la charge de travail d’autres membres du personnel.

  • Promotion de la diversité. Vous avez de meilleures chances de maintenir un effectif diversifié si les politiques et les cultures de votre organisation sont équitables. En outre, des études ont montré que les équipes diversifiées sont plus performantes et évitent la pensée de groupe.

  • Promotion de la sécurité psychologique. Un lieu de travail sûr sur le plan psychologique est un lieu où les membres du personnel se sentent suffisamment en sécurité pour exprimer ouvertement leurs idées, leurs préoccupations et même leurs désaccords sans craindre les conséquences; c’est un lieu de travail où les employé.e.s peuvent contribuer pleinement, quelles que soient leurs origines. Une plus grande sécurité psychologique permet également de réduire les taux d’épuisement professionnel et de roulement de personnel.

  • Gestion du risque lié à la réputation. Dans le cas des OBNL au service de communautés marginalisées, il est important d’être un lieu de travail équitable pour garantir l’intégrité de la mission. La réputation de l’organisation peut être mise à mal si l’organisation perpétue les problèmes qu’elle tente de résoudre.

Le rôle des RH en matière d’équité

Les équipes de RH jouent un rôle déterminant pour améliorer l’équité au sein des organisations. Les politiques et les pratiques concernant le personnel influent grandement sur la culture organisationnelle. Par exemple, les politiques relatives au recrutement et à l’avancement sont importantes pour constituer une main-d’œuvre diversifiée dans un milieu de travail inclusif. Les équipes de RH sont parfois appelées équipes « Personnes et culture » pour refléter leur influence stratégique sur le bien-être du personnel, la culture organisationnelle, l’apprentissage et le perfectionnement.

Les équipes de RH qui réussissent le mieux à promouvoir l’équité possèdent généralement quelques-unes des qualités suivantes :

  • Flexibilité. Les équipes reconnaissent que les politiques servent à aider les gens à bien travailler et non à les contrôler. Elles comprennent que les réalités quotidiennes des gens peuvent être complexes et que les meilleures pratiques évoluent.

  • État d’esprit axé sur l’apprentissage. Les politiques et les pratiques équitables reposent sur une solide compréhension des conséquences historiques et actuelles de l’oppression. Les conversations abordant la JEDI et l’ARAO évoluent constamment, de sorte que les professionnel.le.s en RH qui s’intéressent à l’équité doivent demeurer réceptifs aux nouvelles informations sur ces sujets.

  • Courage de s’adapter au changement et capacité à gérer le changement. Les RH équitables sont des RH courageuses. Pour rendre un système plus équitable, il faut briser les conventions et défier le leadership afin d’opérer les changements qui s’imposent. La capacité à gérer et à communiquer efficacement le changement sera fort utile pour maintenir de bonnes relations avec les membres de la direction et du personnel.

Choisir un cadre d’équité

L’existence d’un cadre d’équité vous permet d’adopter une approche réfléchie et structurée pour élaborer des politiques et des pratiques équitables en matière de RH, en plus de vous aider à justifier vos décisions. En ce sens, le recours à un cadre d’équité peut s’avérer plus utile que la lecture du guide étape par étape de quelqu’un d’autre. La forme que prend l’équité varie d’une organisation à l’autre.

Les équipes de RH commettent souvent l’erreur de tenter de mettre en œuvre l’équité par de petites actions ou mesures qui n’ont pas nécessairement de lien entre elles.

Par exemple, vous pourriez envoyer à l’avance les questions d’entrevue d’embauche aux personnes qui ont posé leur candidature, ce qui constituerait une pratique équitable. Mais il y aura incohérence dans votre façon de faire si d’autres étapes du recrutement semblent moins équitables, comme le fait de ne pas divulguer les fourchettes de salaires dans l’offre d’emploi ou de poser des questions d’entrevue tendancieuses.

Si votre lieu de travail n’a pas adopté un cadre d’équité pour l’ensemble de l’organisation, vous pouvez choisir un cadre uniquement pour les RH entre-temps. Vous voudrez peut-être vérifier si les équipes responsables des programmes ou de la collecte de fonds utilisent déjà des cadres d’équité, car la cohérence peut faciliter les décisions futures.

En pratique, la plupart des cadres d’équité ont de nombreux points en commun. Quel que soit celui que vous choisissez, il ne risque pas de limiter les mesures que vous pouvez prendre si l’objectif est d’obtenir des résultats plus équitables. Le langage utilisé dans chaque cadre peut donner une indication sur les qualités de votre approche à certains publics. Par exemple, un cadre ARAO implique une approche plus dynamique en ce qui concerne la remise en question et la reconstruction des systèmes qui oppriment les gens. Il montre que votre organisation est prête à avouer que le racisme et l’oppression sont des obstacles majeurs à un avenir plus équitable.

Explication des cadres d’équité

JEDI

JEDI est l’acronyme de justice, équité, diversité et inclusion. Il s’agit d’un nouveau cadre qui gagne en popularité depuis 2020, et d’une évolution de l’EDI (équité, diversité et inclusion). La lettre « J » signifie justice, plus particulièrement la justice raciale. L’ajout d’une optique de justice à ce cadre marque le début d’un chevauchement avec les principes ARAO.

  • Justice : approche englobant un changement systémique profond. Elle implique un changement non seulement dans une organisation, mais aussi dans les systèmes dans lesquels l’organisation et ses communautés évoluent et qui les concernent. Bien qu’elle sous-entende fortement la justice raciale, elle peut inclure des mouvements connexes, comme la justice pour les personnes handicapées.

  • Équité : un lieu de travail équitable transfère activement le pouvoir aux personnes qui sont les plus touchées par une décision ou un problème. Dans la plupart des cas, ce sont les personnes marginalisées qui sont généralement concernées.

  • Diversité : fait de compter au sein de votre effectif des personnes de diverses origines et identités; cependant, leurs besoins et leurs points de vue particuliers ne sont pas toujours pris en compte dans les décisions et ces personnes doivent parfois se conformer à un seul ensemble de normes et de standards.

  • Inclusion : un lieu de travail inclusif veille à ce que le personnel se sente à sa place, accepté et valorisé pour qui il est et pour ses perspectives uniques. Les lieux de travail inclusifs impliquent souvent les membres du personnel dans le processus décisionnel.

ARAO

ARAO est l’acronyme d’antiracisme et antioppression. Il implique une approche dynamique pour combattre et éliminer le racisme et l’oppression en changeant les systèmes, les structures, les politiques et les pratiques afin de redistribuer et de partager le pouvoir de façon équitable. Les praticien.ne.s de l’ARAO partent du principe que les systèmes d’oppression, comme le racisme, le capacitisme et le sexisme, sont profondément implantés et que nous devons établir de nouvelles façons de faire exemptes d’une telle oppression.

  • Antiracisme : remise en cause dynamique du racisme systémique afin d’obtenir des résultats plus équitables pour les personnes racisées. Une approche antiraciste implique souvent de s’engager à comprendre les forces qui soutiennent le racisme, telles que le suprémacisme blanc, le colonialisme et l’anti-noirité (racisme envers les personnes noires, et à s’en éloigner). L’antiracisme fait partie de l’ensemble des mesures de lutte contre l’oppression, mais il est nommé explicitement en raison du rôle central du racisme dans toutes les formes d’oppression.

  • Antioppression : remise en cause dynamique de toutes les formes d’oppression systémique. À l’instar de l’antiracisme, cette philosophie sous-entend fortement un engagement à nommer et à éliminer les forces oppressives.

Autres principes d’équité

Certains OBNL adaptent leurs cadres d’équité en fonction de leur mission et de leurs activités, en y intégrant des principes importants tels les suivants :

  • Réconciliation : acte visant à rétablir les bonnes relations entre les peuples autochtones et le Canada. Ce principe fait parfois l’objet de critiques, car il laisse entendre qu’il n’y a jamais eu de relations d’égal à égal et amicales dans le passé. Les mesures de réconciliation peuvent comprendre l’organisation d’ateliers tout au long de l’année pour aider le personnel à bien comprendre l’histoire autochtone et les enjeux actuels.

  • Décolonisation : désapprentissage des normes et des standards imposés aux peuples autochtones à l’époque de la colonisation. Les personnes non autochtones sont invitées à se joindre aux Autochtones pour désapprendre les normes culturelles blanches ou eurocentriques. Dans le domaine des RH, cela pourrait se traduire par une redéfinition de la notion de « famille » afin que les membres du personnel puissent prendre des congés pour responsabilités familiales ou des congés de deuil pour des parents qui sont considérés comme ne faisant pas partie de leur famille immédiate selon la loi provinciale ou territoriale applicable.

  • Autochtonisation : complément du principe de décolonisation où le savoir, les visions du monde et les points de vue autochtones sont intégrés dans les normes et les standards. Par exemple, vous pourriez apprendre comment intégrer les coutumes autochtones dans les procédures de règlement des griefs, comme le recours aux cercles de guérison ou la collaboration avec un.e Aîné.e ou un.e gardien.e du savoir qui peuvent soutenir les employé.e.s autochtones en cas de grief.

  • Accessibilité : ensemble des mesures prises qui font en sorte que les personnes handicapées ont accès à l’information, aux services et aux programmes d’une organisation aussi librement et facilement que les personnes non handicapées. Un milieu de travail est considéré comme accessible si une personne en fauteuil roulant peut facilement utiliser toutes les pièces et toutes les commodités. Dans le cas d’un site Web, il est jugé accessible si une personne malvoyante ou qui utilise un lecteur d’écran peut facilement trouver l’information dont elle a besoin.

Concrétiser l’ARAO et la JEDI

Que vous adoptiez le cadre ARAO, le cadre JEDI ou une autre variante, préparez-vous à un travail long et semé d’embûches. Au fil des siècles, les gouvernements, les industries et les autres entités qui détiennent le pouvoir ont façonné notre monde de manière à marginaliser un grand nombre de personnes au profit de quelques-unes. Pour redresser ces torts, il faut que chacun et chacune d’entre nous fassent preuve de leadership et d’engagement, tout en comprenant que la responsabilité ne repose pas uniquement sur nos épaules et celles de nos équipes.

Un cadre propose en définitive un langage commun pour parler de votre travail. Ce qui importe le plus, ce sont les mesures que vous prenez pour concrétiser ce cadre.

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